Tripoli, Libye, 21 avril (Infosplusgabon) – La célèbre boutade du général De Gaulle prononcée en 1960, qualifiant l’Organisation des Nations unies de “machin”, ne cesse à travers l’histoire de démontrer, en dépit des apports considérables de cette organisation mondiale en matière de paix et de sécurité, les aspects d’instrument tantôt manipulé tantôt marginalisé ou exploité par les grandes puissances, ce qui s’est illustré par la situation prévalant aujourd’hui en Libye.
Réuni à plusieurs reprises à huis-clos sur la situation en Libye en proie une escalade militaire près de Tripoli depuis le 4 avril à la suite de l’offensive des Forces de l’Armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Hafter, le Conseil de sécurité des Nations unies a échoué lamentablement à adopter une résolution pour mettre fin aux combats meurtriers aux effets dévastateurs sur les civils.
Les affrontements armés qui se déroulent actuellement à la périphérie de la capitale libyenne opposant l’Armée nationale libyenne basée à l’Est et les troupes du Gouvernement d’union nationale dont le siège se trouve à Tripoli, ont fait 228 morts, 1128 blessés et 30.000 déplacés.
Les organisations spécialisées des Nations unies ont lancé un cri d’alarme sur le besoin urgent en aide humanitaire et assistance médicale aux habitants dans les zones de combats ainsi que les personnes déplacées dont des enfants et des personnes âgées.
L’Envoyé de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé a affirmé s’être investi, lors de la séance à huis-clos de jeudi, dans la recherche d’une trêve humanitaire sans succès, déplorant la division entre les pays membres du Conseil de sécurité.
Mettant en garde à bout d’arguments contre les risques d’embrasement généralisé en Libye à cause de cette guerre pour Tripoli, M. Salamé a affirmé que les divisions au sein du Conseil de sécurité ne font qu’attiser les tensions et encourager les belligérants dans la recherche d’une solution militaire à laquelle il ne croit aucunement.
Une situation qui prolonge davantage les souffrances des habitants de Tripoli qui se sentent abandonnés et sacrifié sur l’autel de la logique implacable des calculs et intérêts des puissances mondiales.
L’histoire des Nations unies est enceinte d’épisodes où les grandes puissances ont paralysé le fonctionnement de l’organisation à travers l’usage du droit de véto, ce qui en fait une instance où le pouvoir des Etats prend tous ses droits.
Ainsi, récemment en Syrie, et au Soudan l’usage par la Russie et la Chine du droit de voté dont jouissent les cinq pays membres permanents du Conseil de Sécurité (Etats-Unis, Chine, Russie, France et Grande Bretagne) a empêché l’adoption d’une quelconque résolution protégeant les populations de ces deux pays.
Par le passé c’est le veto des Etats-Unis dans le dossier de la Palestine qui a pris avait tenu le haut du pavé empêchant la mise en œuvre des résolutions de l’ONU.
C’est ainsi que face aux blocages qui surviennent au Conseil de sécurité, les grandes puissances peuvent agir en dehors du cadre des Nations unies.
C’est le cas pour des frappes menées par les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne en Syrie pour punir le régime de Bachar Al Assad de l’accusation présumée d’une attaque chimique contre des villes.
Mais c’est l’intervention en 2003 en Irak, lors de la guerre du Golfe, que les Etats-Unis à la tête d’une coalition internationale ont lancé une opération “Tempête du Désert” (Desert Strom) qui a renversé le régime de Saddam Hussein. Une intervention qui restera dans les annales de l’histoire de l’ONU comme une incarnation de l’attitude des grandes puissances à l’égard de l’organisation des Nations unies.
Pour autant, personne ne peut contester les aspects positifs de l’ONU qui constitue un forum qui réunit 193 pays dont aucun n’a formulé depuis sa création l’intention de quitter l’organisation.
Sa contribution dans la préservation de l’environnement, le développement durable, l’enfance et le maintien de la paix avec les fameux casques bleus, un concept développé sous le mandat du Secrétaire général, le défunt Koffi Annan lui ayant valu le prix Nobel de la paix partagé avec l’organisation en 2001.
Certes, l’apport de l’Organisation est incommensurable en faisant un acteur incontournable dans le monde contemporain mais cela ne l’exempte pas de la perte de son efficacité quand les intérêts des grandes puissances sont en jeu.
Le Conseil présidentiel du gouvernement d’union national émanant de l’Accord politique signé le 17 décembre 2015 à Skhirat au Maroc sous l’égide des Nations unies, est reconnu en vertu d’une résolution du Conseil de sécurité qui a enjoint les pays membres à ne pas traiter avec des organes et institutions parallèles en Libye.
Ainsi la Russie et les Etats unis ont, selon des sources diplomatiques, empêché jeudi lors d’une session à huis-clos, l’adoption d’un projet de résolution présenté par l’Allemagne qui assure la présidence tournante du Conseil de sécurité, portant sur l’appel à une trêve humanitaire afin d’acheminer l’aide humanitaire aux habitants dans les zones de combats restés coincés sous les feux croisés des belligérants.
L’entretien téléphonique direct entre le président américain Donald Trump avec le maréchal Khalifa Hafter rendu public vendredi soir a suscité de l’incompréhension et la stupéfaction à Tripoli dont le gouvernement d’union nationale a collaboré étroitement avec Washington dans la lutte contre le terrorisme aussi bien sous l’administration de Barack Obama que sous celle du locataire actuel de la Maison Blanche.
En effet ce sont les troupes sous la tutelle du gouvernement d’union nationale qui ont chassé en décembre 2016 l’organisation Daech de la ville de Syrte.
Cette réalité a fait dire à de nombreux analystes libyens que Hafter a reçu le feu vert de ses soutiens étrangers pour mener l’offensive militaire qu’il a lancé le 4 avril pour prendre le contrôle de Tripoli.
Car comment expliquer cette impuissance des pays membres du Conseil de sécurité de parvenir à une trêve humanitaire alors que tous ces pays ont fait savoir qu’ils soutenaient une solution politique à travers l’action des Nations unies en Libye pour se retrouver, en définitive, avec le report sine die de la Conférence nationale inclusive qui était prévue du 14 au 16 avril à Ghadamès pour trouver un consensus sur un calendrier de l’agenda électoral et mettre fin à la transition.
La recherche de la préservation de leurs intérêts fait que certains pays renient leurs principes et changent de position en faisant ce qui est contraire à leurs déclarations officielles.
Ainsi la France qui clame tout haut qu’il n’y a pas de solution militaire en Libye, apporte un soutien militaire à Hafter, selon des rapports concordants.
L’Italie qui soutient le Conseil présidentiel a adopté dernièrement une position mitigée. Tout en continuant son appui à Tripoli, a ménagé Hafter qui a dépêché un émissaire pour rassurer Rome sur la préservation de ses intérêts, affirment des observateurs de la scène politique en Libye.
Pays riche en ressources pétrolières, la Libye suscite les convoitises des grandes puissances qui agissent pour défendre leurs intérêts. Mais ce sont les civils qui paient un lourd tribut dans cette guerre.
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