Tripoli, Libye, 29 janvier (Infosplusgabon) – L’effondrement du taux de change du dollar qui a perdu en une semaine près de 50% de sa valeur face au dinar libyen, s’est répercuté sur le prix des produits de consommation qui ont connu une baisse de 25%, à la grande satisfaction des citoyens libyens qui se réjouissent de cette situation qui aura une influence sur leur pouvoir d’achat mis à rude épreuve ces dernières années en raison de l’inflation galopante conjuguée à la crise de liquidité et autre faiblesse du dinar.
L’écart de taux de change de la monnaie américaine, le dollar, entre les marchés officiel et noir, a baissé de 59% sur la semaine (plus de deux dinars) avec une différence de 3,38 dinars contre 5,71 dinars samedi dernier.
Ainsi, lors des transactions des courtiers au cours de la semaine, la devise américaine a continué à fluctuer sur le marché noir contre le dinar, atteignant 4,50 dinars samedi.
Vendredi, le dollar s’échangeait à 3,85 dinars pour fluctuer sur le marché noir, passant successivement de 4,25 à 4,10 dinars, pour revenir à la hausse à 4,30 dinars.
On rappelle que le taux de change du dollar sur le marché noir a atteint ces derniers mois 10 dinars libyens avant de se stabiliser entre 8 et 9 dinars alors que le taux officiel est de 1,34 dinars contre 1 dollar.
Cette situation a été favorisée par plusieurs facteurs politique, économique et sécuritaire, selon les analystes qui estiment que les tiraillements politiques ayant donné lieu à l’existence de deux banques centrales, l’une à Tripoli et l’autre à Beidha (est), a contribué à l’effritement de la monnaie locale.
Ces mêmes analystes ont attribué la baisse du dinar à l’insécurité qui règne dans le pays en proie à des affrontements armés un peu partout dans le pays notamment à Tripoli, Benghazi et dans le sud du pays auxquels il faut ajouter une crise de liquidité émanant de la perte de confiance dans les banques du fait que les citoyens et notamment les hommes d’affaires et opérateurs économiques ne déposent plus leur argent auprès des banques.
La baisse des revenus de l’Etat tirés principalement de la rente pétrolière provoquée par la chute de la production pétrolière et des exportations du brut a entraîné également un manque de devises.
Toutefois, la nouvelle remontée du taux de change du dinar face au dollar a permis de faire baisser le prix des produits de consommation.
Musbah Fitouri, employé dans une société pétrolière, s’est réjoui de la baisse du taux de change du dollar sur le marché noir, affirmant que “cela est positif pour le citoyen qui pourra acquérir les biens de consommation qui seront à sa portée”.
Il a affirmé qu’il a remarqué qu’une baisse significative sur les prix a été constatée, citant à titre d’exemple les tarifs des viandes aussi bien locales que celles importées.
Il est rejoint par Ibtissem al-Majabri, une femme au foyer, mère d’une famille de 7 personnes, qui a affirmé que “les prix des denrées alimentaires ont connu une baisse significative atteignant 25% depuis le recul du taux de change du dollar sur le marché noir”.
Pour Abdesslemen Haj Mesbah, un retraité de l’administration publique, “les autorités doivent œuvrer encore pour ramener le dollar au taux de change officiel afin de couper l’herbe sous les pieds des courtiers et autres commerçants véreux qui veulent gagner l’argent sur le dos des simples citoyens”.
Mais les experts ont diversement interprété la chute du dollar sur le marché noir, chacun donnant ses propres arguments.
Dans ce cadre, des banquiers et des analystes libyens ont divergé sur les raisons de la hausse du dinar contre le dollar américain sur le marché noir, certains estimant que le dollar chutera jusqu’à moins 4 dinars, reflétant la spéculation des traders sur le marché noir. D’autres ont estimé que cette forte baisse de la devise américaine est un prélude “à l’imposition d’un nouveau taux de change par la Banque centrale dans le cadre d’un programme attendu”.
Pour Mokhtar al-Jadid, professeur d’Economie à l’Université Misrata,”cette baisse sans précédent n’a qu’une explication: l’existence de certaines informations que la Banque centrale va ajuster le taux de change du dinar”.
Il s’est demandé “dans quel intérêt quelqu’un qui possède des quantités de dollars va-t-il les vendre à un prix aussi bas”?
Selon lui, “le programme de réforme économique que la banque entend mettre en œuvre comporte plusieurs scénarios possibles pour le taux de change du dollar entre 3, 3,5, 4 ou 5,70 dinars contre 1 dollar”, expliquant que le taux de “5,70 dinars pour un dollar est hors de l’équation” et que le dollar s’échangera in fine entre 3,5 et 4 dinars sur marché noir.
Poursuivant sur la même lancée, l’ancien président de la Bourse de Tunisie, Sleiman al-Chehoumi, a affirmé que “la banque centrale a mené un ensemble de mesures préliminaires qui ont créé une nouvelle réalité sur le marché et la disponibilité des dollars a encouragé un krach sur le marché de change”.
De son côté, l’ex-gouverneur de la Banque centrale de Libye, Farahat Ben Gadara, a exclu que la baisse rapide du taux du dollar ait été provoquée par une politique monétaire active de la Banque centrale.
“Le marché parallèle (le marché noir) est un marché monopolistique soumis aux décisions des spéculateurs en raison de l’incapacité de la banque centrale à adopter une politique monétaire flexible qui lui permet d’influencer le prix”, a déclaré Ben Gadara dans un poste sur sa page Facebook.
Il a estimé que “les grands spéculateurs se sont abstenus de demander le dollar, pour influencer le prix en le faisant baisser, et pour des raisons qui servent leurs intérêts, afin qu’ils puissent collecter ce qui sera mis sur le marché à bas prix”.
Il a prédit que ces spéculateurs interviendront à un stade ultérieur pour demander l’achat du dollar, à un prix qu’ils verront dans leurs intérêts, et lorsque les dollars offerts par la banque centrale se tariront sous la forme de subventions ou de crédits, le taux du dollar va recommencer alors à monter.
En tout cas, il est incontestable qu’un taux de change du dollar proche du taux officiel soit dans l’intérêt des citoyens et de l’économie du pays en permettant de faire baisser l’inflation et de permettre de consolider le pourvoir d’achat du citoyen éreinté par les multiples crises et pénuries auxquelles il est confronté depuis plus de sept ans, date du déclenchement de la révolution qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi.
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